Le logiciel libre pour tous: « Le paradoxe du libre confisqué » (2)
Pour continuer cette réflexion un extrait du commentaire de Cyril sur mon précédent billet consacré à ce thème.
[…] »Comment faire pour que le “je ne suis pas un pro dans le langage informatique†puisse rencontrer le “pro qui s’y connaît et qui feint l’ignorance de M. Microsoft†?
Est-ce à nous, animateurs, de faire le pas et de travailler avec les communautés du libre, leur expliquer qu’il y a un monde entre “euxâ€, “nous animateur†et “utilisateur au quotidienâ€â€¦[…]
Pour continuer dans le même sens, je vous livre ce petit document dans lequel j’ai voulu illustrer ces difficultés et interrogations autour de cette question de l’accès à tous et pour tous aux outils libres.
Ce que j’appellerai « le paradoxe du libre confisqué » pose une vraie question de pédagogie et d’outils disponibles pour les structures et notamment les EPM, qui « font le pari » de l’utilisation des logiciels libres avec n’importe lequel de leurs publics…
Pour être concret je prendrai 2 exemples dans lesquels toute ressemblance avec des faits réels sera que volontaire!
* Firefox 2 versus IE7
Avec un public primo-débutant la préoccupation récurrente des animateurs d’EPM est « comment faire utiliser Firefox à des personnes qui découvrent l’informatique et internet avec le « gros E bleu » sur leurs ordinateurs ».
Il va de soi (ou pas) que les arguments concernant la philosophie du libre, la sécurité et le respect de la vie privée passent largement au dessus des préoccupations de ce type de public (majoritaire dans nos structures d’accès public).
Jusqu’à présent entre les modules de recherches , quelques extensions choisies, et la navigation par onglet nous arrivions à accompagner quelques utilisateurs dans leurs migrations.
L’autre jour un des animateurs de mon équipe m’a posé la question qui tue: « qu’est-ce qu’on va leur dire maintenant puisque IE7 propose les mêmes fonctionnalités de base que firefox? ». Depuis l’autre jour j’y réfléchis…
La réponse, pour moi, est au moins à 2 niveaux et doit porter sur les « plus » que peut apporter la découverte d’internet avec un logiciel libre:
– pour l’utilisateur lui-même
– pour les structures qui accompagnent cette découverte
Et ces questions là , les animateurs des structures d’accès publics ne peuvent y répondre tout seuls. Il est impératif que les associations et autres acteurs de la communauté du libre s’y penchent pour construire ensemble des réponses adaptées…
* La mise à dispositions des logiciels libres
Je l’ai déjà évoqué précédemment, mais un des grands moments de solitude de l’animateur, c’est lorsqu’il donne des adresses de sites pour permettre au grand public de télécharger les logiciels qu’il souhaite installer.
Le Portail de Framasoft est effectivement un outil intéressant pour un premier accès en terme de choix . Mais malheureusement le lien « Site Officiel » réserve de grandes surprises et ouvre des portes qui laissent le néophyte perplexe. La question de l’accessibilité est bien loin…
Soyons réalistes un moment,
– prenons l’exemple du téléchargement d’OOo que j’ai testé avec des débutants: trop d’informations à compléter…
– est-il normal de recommander des sites comme télécharger.com ou clubic pour trouver un espace de téléchargement abordable par tous (ou presque)?
Avec l’équipe de la M@ison nous avons dû faire une page de téléchargement pour nos usagers, avec des liens directs sur les setup d’installation.
Sur cet aspect également, je pense qu’il faut mutualiser les préoccupations et les réponses à apporter.
* Relation avec la communauté du libre
J’y reviendrai dans un prochain billet je pense, mais à ce jour les quelques initiatives de rapprochement que j’ai pu avoir se sont soldées par le même résultat.
Alors que la question posée était celle de « promouvoir et de favoriser l’utilisation des logiciels libres auprès de nos publics de débutants » les (non) réponses tournaient autour du « windows merdique » et de la nécessité d’utiliser linux?!? A cent lieux de nos préoccupations !!!
« Le paradoxe du libre confisqué » (au grand public) par une approche élitiste et technico-technicienne de ses militants.
J’ai eu une discussion un jour avec un de ces passionnés du libre autour de la notion militant et de militer. Nous échangions sur l’absence d’accesssibilité du LL et la nécessité d’avoir un vrai projet éducatif de masse porté par « de vrais militants ».
Pour lui, il était normal que le militant, de part son statut et sa technicité, navigue dans des sphères peu accessibles au commun des mortels…
Ne généralisons pas ce type de discours, mais une convergence de constats, appelle à ne pas le marginaliser pour autant…
Conclusion du moment
Une fois les constats faits, il convient maintenant de faire des propositions pour que la complémentarité des approches et des compétences des différents acteurs concernés par « la valorisation » du logiciel libre, puisse permettre la mise en place de réels espaces de médiation avec le grand public.
Bonjour,
En relisant le très bon papier de Guy, je ne peux m’empêcher de penser à Microsoft qui a passé une convention avec la Ville de Lyon. Ceci conduit à ce que Microsoft appuie la formation des médiateurs entre informatique et public. Quelle conséquence pour faire passer l’idée du logiciel libre ?
Microsoft va-t-il aider les animateurs à avoir un jugement objectif sur tous les logiciels ? Microsoft va-t-il présenter les logiciels libres pour le grand public en montrant tout leur intérêt pour réduire la fracture numérique ?
Les professionnels ne sont pas influencés par les partenariats entre les communautés publiques et Microsoft. En revanche, ces partenariats doivent aider Microsoft à conserver son monopole sur les machines vendues en grandes surfaces.
Les acteurs politiques se rendent-ils compte de la difficulté dans laquelle ils placent les médiateurs entre l’informatique et le grand public ? Uniquement la communication faite sur le partenariat suffit à Microsoft pour vendre en super-marchés à des acheteurs qui ne se poseront même pas la question de rechercher un meilleur rapport qualité prix. Comment les animateurs d’espaces publics peuvent-ils aller à contre courant ?
JYR
Bonjour,
Je rejoint JY sur le principe mais il y a quand même quelques points à préciser :
Concernant IE et FF, d’une part fonctionnalités sont différentes, d’autre part, FF apporte, outre le fait d’être libre, le fait d’être dispo sur toutes les plateformes et de pouvoir se prendre dans la poche… Ceci fait que toute personne utilisant FF pourra le faire sur la machine qu’il voudra utiliser, que ce soit un mac, un pc, un pda… et que cette machine soit sous Win ou sous Nux…
Concernant la « formation », il est bien évident que les GULs, GULLs, EPN et autres associations ne sont pas des organismes de formation et ne doivent surtout pas le devenir (ne serait-ce que pour des raisons légales et de concurrence déloyales)…
Cela dit, il est effectivement tres important d’aprendre une méthodologie, une philosophie plutôt qu’un logiciel qui n’existera plus dans quelques années…
Comment inciter les gens à utiliser du libre ? Comment résoudre ces pb de téléchargement évoqués ? Pour le grand public, une méthode simple fait ses preuves : dans une association dont je m’occupe, nous distribuons à chaque adhérent un « kit de bienvenue » contenant, entre autres, un CD rempli de logiciels libres triés par nos soins et disposant d’une interface agréable. De plus, ils retrouvent l’ensemble des logiciels sur les machines de l’association…
Enfin, le dirai que les associations faisant la promotion du libre n’ont pas le même fonctionnement que les autres. Bien souvent ces associations n’ont pas de local et pas de matériel propre… historiquement parce que les municipalité ne voyaient pas l’interet de leur préter un local et que les cotisations sont trop basses pour acheter du matériel, mais aussi certainement idéologiquement pour ne pas rentrer dans un « moule » usité et pollué par les idées combatues…
Je suis d’accord avec toi, Jean-Yves sur le fait de ne sensibiliser les publics prioritairement sur des fonctionnalités transposables et transportables de logiciels en logiciels.
Par contre dire que le libre saura se défendre auprès du grand public je précise, j’en doute pour le moment.
En effet, et je vais parler du public que je connais, à fonctionnalités et coût égal avec du propriétaire, ce n’est pas l’aspect philosophique qui fera pencher la balance…
Je crois qu’il y a un vrai travail d’adaptation et de prise en compte des utilisateurs finaux à faire qui doit se traduire par des évolutions concrêtes et visibles en terme d’accessibilité au sens large.
Concernant, FF et IE, je serais tenté de trouver bien qu’il n’y ait plus de différences fonctionnelles.
Il faudrait que les formateurs se dégagent d’un logiciel spécifique pour former aux fonctions génériques. On n’apprend pas à conduire une Renault Twingo ou une Peugeot 107, mais une automobile. Quand j’ai appris le tournage et le fraisage, je devais passer d’une machine à l’autre et l’examen ne se passait pas sur le modèle de machine utilisé pour l’apprentissage. Pourquoi en serait-il autrement pour une informatique mature ?
Les éditeurs nous aident en se mettant d’accord sur des normes, voire en laissant émerger des standards qui se dégagent par leur succès.
Plus les logiciels seront utilisés et matures, moins il y aura de différences sur le fond. C’est à ce qui est générique qu’il faut dorénavant former en laissant la liberté à chacun d’employer l’outil qu’il souhaite. La liberté, ce n’est pas d’imposer le logiciel libre, mais de le rendre accessible.
Si la formation est faite sur un logiciel et que l’utilisateur emploie un autre chez lui, c’est que la formation est pertinente.
Ensuite, le libre saura défendre ses arguments…
Le constat de Guy semble irréfutable. Il oublie de signaler le rôle de l’école et de la formation professionnelle. Malheureusement, les enseignants et formateurs semblent aussi démunis que les animateurs d’EPN.
Il faudrait que les uns et les autres prennent conscience que les éditeurs de logiciels ne sont pas responsables de la formation des utilisateurs. Pour éviter que le logiciel libre tombe dans le travers de Microsoft, dont le marketing a masqué les qualités des logiciels pour permettre de bricoler sans apprentissage (et sans déranger les services de support aux utilisateurs).
Ceci ne se fera que pas une formation des futurs utilisateurs partant des objectifs à atteindre avec confort et productivité et montrant les normes et standards qui sont à l’interface entre les utilisateurs et les outils pour atteindre ces objectifs. Les spécificités des logiciels sont alors du second ordre. Il faudrait déjà former les divers médiateurs. Nous n’en sommes pas encore à la prise de conscience…