Non le téléchargement illégal n’est pas un acte de désobéissance ni civile ni civique !
Un petit billet d’humeur pour dire tout haut ce que j’ai pu dire tout bas à certains lors de cette quinzaine de libre en fête placée sous le signe de l’Hadopi.
Je pense qu’à un moment donné il faut être réaliste et honnête sur la question du téléchargement illégal.
Je veux bien entendre (et je suis d’accord avec) que les produits culturels comme les disques sont chers et de moins en moins accessibles comme le reste de la culture d’ailleurs. Mais lorsque j’entends ici et là que le téléchargement illégal se justifie comme un acte de résistance voire de désobéissance civile ou civique face à « l’impitoyable loi du marché » je ne peux que réagir !
A ce jour, de l’ado au retraité, chacun est capable de justifier pourquoi il télécharge illégalement : pour voir, pour essayer, pour tester, parce qu’on ne trouve plus dans le commerce, c’est trop ancien, je vais m’en servir une fois, l’original est trop cher, je n’ai pas les moyens en ce moment, etc….
Sur ce nombre « de pirate du dimanche » combien le font par conviction militante philosophique ou politique pour faire avancer une cause ? personnellement, je n’en connais pas !
On peut supposer que, même si elle s’appuie sur des outils et logiques de réseaux, la motivation et la pratique du téléchargeur de base reste à mon avis avant tout égocentrique et ne fait pas partie pour la majorité d’un mouvement organisé.
Plus fort, je pense que ce sont les publications, les études et analyses sur le pourquoi les gens téléchargent qui donnent des alibis de bonnes consciences à ceux qui ne s’étaient pas encore posé la question sur le sens de leur geste..
Le cas contraire ça ne peut que faire chaud au coeur de penser que X millions de français sont prêts à se mettre dans l’illégalité pour porter auprès des autorités la nécessité et l’obligation d’une réforme de la diffusion culturelle !
Vouloir se battre c’est bien, mais construire un rapport de force ça ne se décrète pas. Hors, on le constate bien aujourd’hui encore avec la mobilisation autour de l’hadopi, les cohortes de téléchargeurs fous ne sont pas présents et sont trés difficiles à mobiliser comme autour de la loi DAVDSI précédement !
Un peu caricatural peut-être, mais je propose d’arrêter de mettre des nuances pour se donner raison ou bonne conscience. Pour une mobilisation d’ampleur faut-il encore que la « résistance » s’organise et qu’elle est un message clair à faire passer, ce qui n’est pas encore le cas à mon avis.
Lorsque j’entends des militants du Libre mettre en avant le fait qu’ils téléchargent par désaccord ou pour faire pression, je ne peux m’empêcher de penser que ça ne peut qu’aller à l’encontre du Libre et de l’effet attendu. C’est un brouillage de signal !
Que l’on mobilise les internautes sur des initiatives comme le Download Day relève pour moi de l’appel à une forme de désobéissance civique, dans le sens où l’on appelle à commettre un acte en border-line de la légalité pour interpeller les autorités et mobiliser les utilisateurs. C’est un acte de révolte mais pas de révolution !
Ce positionnement (organisé) contre ou d’opposition, complètement nécessaire, ne donne pas encore, à mon sens, toute la dimension au rôle que pourrait jouer le Libre non pas dans cette bataille , mais dans la voie à tracer pour construire une alternative , un ou des autres choix concernant la création artistique et la diffusion culturelle.
La vrai révolution viendra lorsque la mobilisation se fera sur le contenu et sur le sens. C’est à mon sens faire appel à la désobéissance civile pour pousser en avant un ou des enjeux humanistes comme celui du libre partage et de la libre circulation de la culture dans le monde par le biais des TIC.
Agir sur un modèle en place en construisant une autre façon de voir et de faire, voilà à mon sens l’exemple que doit donner Libre, non pas par opposition, mais par conviction et idéal autour d’un modèle de société.
C’est bien la fédération des acteurs et des utilisateurs (du Libre ou pas) autour du projet « d’un autre monde » qui permettra une avancée globale, et un premier pas dans une « révolution ».
Mais voilà , faut-il encore que l’ensemble des acteurs et promoteurs du libre acceptent d’entendre que le Libre n’est pas neutre ni apolitique, bien au contraire !
A mon avis le Libre ne peut pas se cantonner à rester un « lobby indépendant » qui ne veut pas être récupéré, s’il veut contribuer à un mouvement de fond.
D’autant que le paradoxe du libre réside dans son modèle de base qui repose sur une conception libérale des échanges ! (Je ne vais pas me faire que des amis 🙂 )
Un espace de liberté citoyenne se construit ensemble autour de valeurs communes et Internet n’échappe pas à la règle.
Toutefois pour avancer dans ce chantier il convient de trouver des animateurs et leaders pour concevoir, fédérer, co-construire, …
Et pour boucler la boucle, je ne suis pas sûr que le téléchargement illégal apportera beaucoup à cette ambition, sinon une connotation pseudo libertaire douteuse !
Ce n’est qu’un avis à débattre !
Bonjour, et merci pour cet article qui avait réellement besoin d’être écrit 🙂
J’ajouterais deux remarques à votre réflexion:
– Le mouvement du logiciel libre s’est construit grâce aux licences du type « Copyleft », et sur l’importance accordée à ces licences. On ne peut pas à la fois réclamer le respect à tout prix de la GPL, et dans le même temps annoncer qu’on n’a pas envie de respecter les licences privatives utilisées par autrui.
– Étant donné qu’il existe également des oeuvres sous licence libre, s’obstiner à télécharger (donc à faire connaitre, à partager, à promouvoir) des oeuvres dont les ayants-droits ne veulent pas qu’elles soient partagées, c’est en réalité continuer à les conforter dans leur position incontournable.
Au final, télécharger illégalement une oeuvre propriétaire et se réclamer du libre, c’est tout aussi incongru que télécharger illégalement Photoshop cracké et se réclamer du libre: le libriste convaincu ne télécharge pas Photoshop, il utilise, partage, défend, traduit, développe The Gimp.