Le logiciel libre pour tous : l’accès est-il accessible ? (1)
Cet article ou série d’articles, on verra suivant mon inspiration, pour poser des questionnements et réflexions en marge de ma pratique professionnelle quotidienne dans un espace public Multimédia.
Lors de discussions avec les uns et les autres sur cette questions de l’accessibilité, on s’aperçoit vite qu’implicitement cette notion renvoie aux besoins spécifiques des personnes porteuses d’un handicap (physique, moteur,…). Cette accessibilité là , a été défini en 2006 comme suit par la délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées .
Pour ma part je la résumerai sous cette forme un peu plus lapidaire:
Mettre en en oeuvre des moyens supplémentaires ou complémentaires pour permettre à tout individu d’être autonome dans son quotidien et ses choix de vie.
Formule volontairement courte et générale car elle a servi , pendant mes années de formateur d’animateurs « socio-cu », de base de discussions et d’échanges autour de la notion « d’handicap social », le risque était alors de glisser vers le terme « d’handicapé social » qui fige et catégorise un état, un statut, sensé être en évolution permanente.
Depuis que je suis arrivé dans le monde des tic et des animateurs multimédias, lorsque l’on parle d’accessibilité on parle bien entendu de l’accés physique aux locaux, à la machine, mais aussi de toutes les règles et normes sensées régir la construction des sites et services web.
Au passage à signaler l’action du centre icom (du programme france d’Handicap International) spécialisé dans l’approche de l’outil informatique avec les personnes handicapées.
Bien sûr les projets et actions en faveur de l’accés (ou l’accessibilité?) pour tous au TIC et/ou en direction des publics les plus éloignés sont nombreux avec des approches différentes voir opposées (par les outils, par les usages,…).
A y regarder de plus près, on s’aperçoit que beaucoup des ces projets ont en commun l’utilisation des logiciels libres pour des motivations différentes (philosophiques, financières, techniques,…), force est de constater en tous cas que le libres a bien un rôle à jouer dans le dévelopement des usages et l’accés pour tous.
Ce que je peux par ailleurs confirmer par l’utilisation que nous pouvons en faire à la M@ison.
Et l’accessibilité dans tout ça me direz-vous ? Etant convaincu de la nécessité de l’utilisation des logiciels libres, que je ne développerais pas maintenant*, les questions que je me pose aujourd’hui viennent plus en échos des différentes rencontres et tentatives de collaboration que j’ai pu avoir avec certains acteurs de la communauté du libre.
Si l’on veut que le plus grand nombres de personnes (le grand public) utilisent les logiciels cela veut dire qu’il faut considérer, à mon sens, qu’il y a qu’aujourd’hui, seule, une minorité avertie qui les utilisent et que le message incantoire des associations d’utilisateurs (avancés) ne portent pas ses fruits.
Tout ça pour dire qu’à mon sens c’est la question même de « l’accessibilité de l’accès » qui est posée.
Promouvoir et mettre à disposition suffit-il pour une utilisation de masse?
Toutes les associations et autres utilisateurs du logiciel libre sont elles partantes pour une vulgarisation de masse ou une utilisation populaire avec les efforts que cela va nécessité en terme d’accessibilité et de médiation?
Avec un brin de provocation: Mettre à disposition un logiciel sur Sourceforge.net le rend-il accessible à tous?
* A voir sur le site des EPM du Lyonnais
– Vous avez dit « éducation populaire et logiciels libres » ?
– Les logiciels libres au service des animateurs (socio-culturels)
Je vous remercie, Daniel pour ces remarques et ces échanges que j’apprécie tout particulièrement.
Effectivement je me rapproche dangereusement « des développeurs élitistes » :
– quand je croise le regard ou les réflexions de mes collègues qui me considèrent comme « un expert de haut niveau » parce que je arrive installer un wordpress ou un spip…
– quand je me surprend à me dire que c’est moins « fatigant » de discuter avec « des pairs » de même niveau plutôt que d’avoir à expliquer ou réexpliquer chaque terme un peu technique à des néophites…
Mais l’on est tous expert nombriliste d’un domaine particulier et c’est ça aussi qui fait avancer.
Plaisanterie mise à part, je crois qu’à partir du moment oùu il ya une volonté ncommune les choses peuvent avancer.
Je pense que vous seriez surpris sur le nombre d’animateurs d’EPM qui ne « jurent » que par le LL, mais ne peuvent s’inscrire dans les démarches que vous proposez (sinon sur leur temps personnel s’ils en ont les compétences)
Mon interpellation n’a pas pour but de cibler des responsables, mais plutôt d’interpeller les acteurs que nous sommes les uns les autres afin de passer à une étape de construction commune.
Pourquoi? parce que l’environnement dans lequel nous agissons évolue et qu’il y a nécessité de se remettre en question régulièrement (certaines périodes étant propices) dans notre action pour ne pas subir mais plutôt participer à la construction des évolutions.
Daniel, je pense qu’effectivement tout est possible lorsqu’il y a dialogue et convergence d’intérêts.
Je vous invite à prendre directement contact moi pour que nous puissions éventuellement contribuer de la construction de propositions.
gpastre|chez|maison-tic.org
Cordialement
J’ai lu vos autres billets, et je trouve le contenu du 3ème plus consensuel que les 2 premiers, et la lecture des 3 donne effectivement un sens différent à vos propos.
Globalement je vous rejoins sur le constat qu’il est difficile d’initier le grand public à la diversité logicielle, car des opérations telles que le téléchargement et l’installation i’un logiciel n’ont rien d’évident.
Le principal point de désaccord sur les 2 premiers billets, est essentiellement ce que vous appelez la « tarte à la crème » :
Votre discours semble établir une frontière entre des animateurs d’EPM qui aimeraient que les logiciels libres soient accessibles au grand public, et une sorte de « communauté officielle » du logiciel libre peuplée de « passionnés nombrilistes » et de « développeurs élitistes ».
Pour ma part, je ne vois pas comment on peut définir les acteurs du logiciel libre autrement que comme l’ensemble des personnes qui participent au développement et à l’adoption du logiciel libre ; vous en faites donc partie ne serait-ce qu’en créant un site de téléchargement de LL.
Par ailleurs, il y a beaucoup de projets libres qui ont été développés dans le monde de l’éducation, donc par des acteurs confrontés au « grand public » et qui rencontrent les mêmes soucis que vous. Je pense que la démarche de Framasoft est motivée par un besoin proche du votre, même si vous pensez qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir côté accessibilité.
Cette représentation n’est pas sans effet, car elle influe sur les réponses apportées au problème.
a) Si on se situe comme un acteur comme les autres au sein du mouvement du logiciel libre, face à votre problème on aura peut-être plutôt le réflexe de se dire qu’il doit être possible de collaborer avec Framasoft, de leur proposer de mettre en place et maintenir des liens directs de téléchargement pour les logiciels les plus populaires, ou en proposant un petit didacticiel à l’usage du téléchargeur débutant, pour lui apprendre à s’orienter dans des sites en anglais grâces à des mots-clés à rechercher (genre « download » « i386 » « setup ») et des mots-clés à éviter (genre « source » « tar.bz2 ») etc.
b) Si on se situe comme « en rupture », on aura plutôt le réflexe de refaire son site de téléchargement à soi, plutôt que de chercher à échanger avec des types « nombrilistes et élitistes » avec lesquelles toute collaboration est impossible.
Paradoxalement, quel que soit le choix que vous prenez, on reste finalement dans la logique du mouvement du logiciel libre. La solution b) s’appelle un « fork » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fork) et est courante dans le monde du logiciel libre.
Néanmoins, la frontière est moins évoquée dans le troisième billet.
Dans la réponse que vous apportez-ci-dessus, vous vous positionnez clairement comme un acteur du logiciel libre, ce que je trouve rassurant.
C’est vrai que si l’on trouve aux deux extrémités de la chaîne la « fabrication » à la « mise en rayon », il existe des tas de rôles intermédiaires et les frontières sont plutôt floues. Par exemple, la conception d’un web est parfois classée dans le « développement », ce qui vous rapproche dangereusement des « développeurs élitistes » 😉
Daniel
1°) Cet article fait partie d’une trilogie dont voici les 2 billets suivants: http://guy.pastre.eu/?p=32 et http://guy.pastre.eu/?p=34
Ceci pouvant mieux aider, peut-être, à comprendre le sens de ma démarche.
2°) Je pense également qu’il y a à certains moments confusions des genres entre ergonomie et accessibilité.
– L’ergonomie selon MS office ou Adobe ne propose pas effectivement les mêmes repères qu’OOo ou Gimp.
Mais effectivement lorsque l’on débute il est relativement aisé de trouver ses propres repères…lorsque l’on est accompagné!
– L’accessibilité, pour moi, c’est lorsque se pose la question de la mise à disposition de cette masse d’outils « parfaits ou imparfaits » à des publics dit particuliers (porteurs de handicaps, séniors primo-débutants, grand public sans accompagnement,…)
Si je devais prendre une image, pour résumer ma vision des choses, ce serait celle d’une grande surface » Au marché du LL ». A l’intérieur on trouverait des rayons remplis de logiciels, des stands d’animations « commerciales » sur tel ou tel produit et une foule de gens qui déambulent entre ses rayons.
Ma contribution à moi, concernant ma participation au mouvement du LL, c’est de pouvoir accompagner les gens dans leurs choix, et non pas de participer aux remplissages des rayons car je n’ai aucune compétence pour ça… et que ça ne m’intéresse pas d’en avoir.
3°) Pour reprendre la métaphore de l’écologie, ne prenons pas trop de raccourcis et ne sous estimons pas le rôle des militants.
En effet si aujourd’hui les grands militants écolos peuvent se « désintéresser » de l’éducation au tri sélectif, c’est bien parce que sur le terrain il y a eu des rencontres et des relais avec la mise en place d’une multitude de projets construits entre militants et acteurs de territoire.
Il y a eu de vrais projets éducatifs et pédagogiques de territoire dans lesquels les différentes acteurs ont joué un rôle selon leurs compétences.
Intervention dans les écoles, centres de loisirs, populations, élus,…
Aujourd’hui, ce que je dit dans mon 3° billet, c’est qu’avec la présence de ces centaines d’espaces Multimédia, il semble que les conditions sont réunis pour construire ensemble quelque chose de neuf: Un ou des projets de développement de l’utilisation des logiciels libres auprès du grand public.
Cette démarche ambitieuse mais nécessaire à mon sens, nécessite une compréhension et connaissance mutuelle des acteurs en présence.
Pour revenir à l’environnement, si l’on s’était contenté de mettre à disposition des populations des déchèteries et des bacs jaunes sans sensibiliser les foyers à ce qui allait changer pour eux, on en serait pas là aujourd’hui.
C’est bien parce qu’il y a rencontre et interaction entre les techniciens-fabricants et les acteurs de proximité des utilisateurs que les produits peuvent continuer évoluer en qualité pour contribuer à une utilisation par le plus grand nombre…
Je travaille dans un centre de formation pour adulte. Une constatation intéressante : les novices de l’informatique se mettent tout aussi facilement aux logiciels libres qu’aux logiciels propriétaires. Les personnes qui ont le plus de soucis avec les logiciels libres ne sont pas les novices, mais plutôt les personnes qui n’ont pas été habitués à la diversité des logiciels, celles qui ont reçu une formation procédurale sur MS Word pour réaliser quelques trucs très spécialisés, au détriment d’une formation transversale et générique, une « culture générale informatique » qui permette de retrouver rapidement ses repères dans un environnement différent.
Pour moi, le problème évoqué n’est donc pas « le problème du logiciel libre », mais bien plutôt « le problème de la diversité informatique ». Je suis prêt à parier que les personnes trouvant le logiciel libre « difficile d’accès » trouveraient également l’environnement mac os difficile d’accès. Que ce soit en informatique, en matière de goût culinaire, de lecture, cinéma, l’attrait et le goût pour la diversité fera toujours partie des choses qui ne vont pas forcément de soi, mais qui peuvent se cultiver. Et changer ses habitudes demandera toujours un effort.
Par ailleurs, les réflexions que j’entends du genre « ouais bein Gimp c’est pas facile d’accès », m’inspirent deux remarque :
– La première, c’est que l’on est souvent confrontés à une représentation naïve de l’informatique, comme quoi « tout le monde devrait pouvoir utiliser facilement n’importe quel logiciel ». Au contraire, je pense que les logiciels trouvent leur intérêt et leur puissance dans un assemblage de concepts abstraits qui ne seront jamais évidents immédiatement pour tout le monde, que ce soit dans un logiciels de retouche photo (canal de transparence, notions de colorimétrie, opérations booléennes sur les sélections etc), dans un traitement de texte (notion de style, distinction entre des attributs de caractères, de paragraphe, de sections etc.)
– La seconde c’est que face à ce genre de réflexion, quand je demande « est-ce que, comme moi, tu as pris le temps de lire un didacticiel sur ce logiciel ? », la réponse est toujours « non ».
Ensuite, le mouvement du Logiciel Libre est un continuum qui va du « débutant en logiciel libre » jusqu’au « développeur gourou », et le meilleur moyen de développer ce mouvement est d’y participer (information auprès de ses potes, traduction de doc, signaler des problèmes, développement…).
Les personnent qui affirment « ils veulent que tout le monde utilise les logiciels libres mais ils ne font rien pour » se placent en tant que consommateur extérieur au mouvement du LL et réclament un effort supplémentaire aux auteurs de LL. Ils devraient au contraire intégrer les éléments suivants :
– le mouvement du LL garantit à l’utilisateurs les 4 liberté fondamentales, et rien de plus.
– le développeur de LL n’a pas d’autre devoirs que de fournir les 4 liberté fondamentales.
– lorsqu’un militant LL explique à un interlocuteur les bienfaits du LL pour la liberté, la société etc, il faut comprendre cela comme uniquement comme une information ou un conseil. et non comme une « demande » du militant qui entrainerait en échange des droits et des devoirs, le devoir pour le militant « de favoriser l’accès au LL » et le droit pour son interlocuteur « d’exiger une facilité d’accès au LL ». Pour illustrer, ce n’est pas parceque des écologistes m’ont sensibilisé à l’environnement qu’ils ont le devoir de m’aider à trier ma poubelle. Au nom de quoi pourrais-je exiger auprès d’eux que le respect de l’environnement soit « aussi facile » que « l’indifférence à l’environnement », que la prise en compte de l’écologie soit « sans effort » ?
Il ne faut pas non plus attendre des logiciels libres qu’ils soient le plus proche possible d’un logiciel propriétaire connu, pour que l’utilisateur « s’y retrouve ». Les personnent qui développent ayant leur propres idées, l’interface avec l’utilisateur sera en général différent de « l’équivalent propriétaire », et nécessitera donc un petit apprentissage.
Enfin, il est utile de savoir que la masse de logiciel libre est également un vaste continuum qui contient à la fois de gros projets disposant de pas mal de moyens avec une interface utilisateur soignée (firefox openoffice etc…), des gros projets s’adressant plutôt à des utilisateurs avertis et s’utilisant uniquement en ligne de commande ou comme bibliothèque de programmation, et aussi de petits script/brouillons concoctés en 5min mais qui remplissent quand même leur fonction malgré les imperfections, et que l’auteur propose « tels quel » en téléchargement pour que d’autres puissent utiliser ce « travail imparfait » si cela leur suffit, ou y apporter des améliorations.
Aussi, un utilisateur novice qui cherche à télécharger un peu au hasard un logiciel libre quelconque sur Sourceforge s’expose évidemment à des mésaventures, et les sites de vulgarisation tels que Framasoft permettent justement de s’y retrouver dans cette jungle en opérant déjà une sélection de logiciels un minimum accessibles aux néophytes, avec des retours d’utilisateurs etc.
Quand je vois écrit « Qu’attendons nous pour nous mettre autour d’une table est de dire : “comment pourrions nous faire que le traitement de texte, ou le logiciel de retouche d’image soit en grande partie utilisable par tousâ€â€¦ », quelle idée révolutionnaire !
– D’une part, les développeurs ne sont pas des savants fous dans leur tour d’ivoire, mais des personnes pas moins sensées que les autres, qui cottoient des novices de l’informatique (c’est souvent eux qui sont des dépanneurs de service pour leurs amis), qui se retrouvent eux même parfois de temps en temps en situation d’utisateurs de logiciels qu’ils ne connaissent pas, et qui savent que leur logiciel sera mieux adopté si l’interface avec l’utilisateur est bien conçue. Concevoir un logiciel intelligible dans son utilisation est généralement une contrainte qu’ils intègrent.
– D’autre part, beaucoup de logiciels libre intègrent sur leur site de développement une liste de suggestions d’amélioration que tout le monde peut enrichir (à condition bien sûr de passer suffisamment de temps à comprendre comment fonctionne le logiciel, d’être capable d’argumenter sa proposition et à condition de parler anglais pour des projets internationaux).
Il est vrai que Sourceforge.net est pas vraiment accessible…
Bon, tout à fait d’accord pour que le logiciel libre passe une 4ème vitesse et que les communautés du libre se rendent plus accessible aux utilisateurs lambda…
Les chiffres sont d’ailleurs là pour confirmer que le monde du libre n’arrive pas à s’ouvrir aux utilisateurs lambda :
http://chanteperdrixcyril.mabulle.com/index.php/2007/05/31/65809-des-chiffres-qui-parlent-pour-microsoft
Comment faire pour que le « je ne suis pas un pro dans le langage informatique » puisse rencontrer le « pro qui s’y connait et qui feint l’ignorance de M. Microsoft » ?
Est-ce à nous, animateurs, de faire le pas et de travailler avec les communautés du libre, leur expliquer qu’il y a un monde entre « eux », « nous animateur » et « utilisateur au quotidien »…
Le logiciel libre à aussi pour définition « le travail ensemble » grâce à la mise au public des sources du code… Qu’attendons nous pour nous mettre autour d’une table est de dire : « comment pourrions nous faire que le traitement de texte, ou le logiciel de retouche d’image soit en grande partie utilisable par tous »… Que nous soyons simple utilisateur, bidouilleur, programmeur, nous avons certainement tous à faire évoluer ses outils…
Mais, pour finir sur une note optimiste, cela bouge quand même beaucoup et à chaque fois que je regarde la nouvelle version de la distribution linux Ubuntu, je vois des grandes évolutions dans ce sens…